Les facétieux dieux cachés d’Olivier Maillart

Si l’on s’en tenait au titre du premier roman d’Olivier Maillart publié aux éditions du Rocher, on pourrait imaginer se retrouver à lire un de ces polars nordiques dont les Français raffolent, depuis la trilogie Millenium. Nous sommes pourtant loin de ces livres à la noirceur crépusculaire. Mis à part les rivages glaçants de la Normandie et un étrange mystère dès le premier chapitre, ce premier roman concocte une recette toute différente et plutôt originale, mélange de farce et de roman balzacien. De l’auteur de la Comédie humaine, on retrouve cette description de la bourgeoisie provinciale, son ennui et sa difficulté à entretenir péniblement loin des lumières de Paris une vie culturelle. La décentralisation et internet n’y ont rien changé. L’auteur, professeur de lettres lui même en Normandie, livre ici, on n’en doute pas des éléments autobiographiques. Ses deux héros et amis, professeurs de philosophie, sont ainsi directement confrontés à la déchéance de la culture dans notre pays. Car qu’est donc malheureusement aujourd’hui le lettré ou l’érudit, si ce n’est un hurluberlu d’un autre temps pour nombre de nos contemporains ? La participation à un médiocre salon intellectuel, amusante singerie d’une soirée chez madame Récamier, qui nous amène cette fois dans le registre comique n’est pas sans rappeler certains des célèbres huit clos de Yasmina Reza dans lesquels tous les codes de la civilisation bourgeoise s’écroulent afin de libérer un déchainement où les rancœurs de chacun explosent. Un jouissif déchainement qui se termine ici presque comme un sketch des Monthy Pyton.

BURLESQUE ET DÉCALÉ

Ce roman facétieux qui vire ainsi parfois vers le registre burlesque n’est pas sans rappeler également  les livres d’Olivier Maulin, un des grands maîtres actuels de ce genre satirique. Comme chez lui, on retrouve cet humour truculent et burlesque omniprésent avec une finesse plus British ici, quand Olivier Maulin s’inscrit lui plus dans une tradition de gauloiseries rabelaisiennes. S’ajoute aussi dans les points de ressemblance ce regard cinglant mais amusé sur notre époque avec des personnages attachants et pittoresques en décalage avec le monde moderne. Le réveil du religieux actuel y est ainsi moqué avec bonheur. Certaines piques sur l’Education nationale ne manqueront également pas aussi de faire rire; peut être moins le lecteur de Libération, mais qu’est ce qui fait encore rire le lecteur du journal de Laurent Joffrin me direz-vous ? Peut être encore les comiques de France inter mais alors nous ne sommes plus vraiment dans l’humour contrairement à Olivier Maillart qui garde, lui, ainsi jusqu’au dénouement cet esprit décalé et parfois surréaliste comme cette  conversation entre chiens aussi inattendue que drolatique. Le lecteur pourra aussi essayé de retrouver les multiples références littéraires malicieusement disséminés tout au long de son ouvrage et qui ne sont qu’un hommage parmi d’autres à la grande littérature. Un roman habilement ficelé qui avec son style soigné et des dialogues très réussis  marque un début prometteur. On regrettera toutefois le manque d’ambition d’Olivier Maillart eu égard à son talent. Souhaitons donc qu’il ne reste pas uniquement dans ce registre comique et presque désinvolte, habile manière de ne pas s’inscrire dans les traces intimidantes et respectés de ses maîtres. Il devra pourtant s’y risquer à l’avenir et parcourir d’autres chemins afin de ne pas s’enfermer dans ce registre.

 

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